Questions à poser en entretien d’étude des publics

Comme Al le suggère, il est important d'arriver à étudier les attentes et les intérêts du public qu'on vise, histoire de ne pas être à côté de la plaque. Il s'agit donc de récupérer un échantillon de ces gens (connaissances, connaissances de connaissances) et de leur poser des questions.
J'ai pas la moindre idée des questions à leur poser : l'important pour nous me semble être le dosage entre classique et alternatif, pour arriver à toucher ces deux sphères sans ennuyer la première ni dégoûter la deuxième. Je vous laisse suggérer !

Pour un entretien individuel (qui dure généralement une bonne demi-heure en moyenne), questions types :
[Nécessairement, on interroge une personne qui lit déjà beaucoup, hein, on ne prend pas des passants au pif dans la rue].

-"Quel est votre rapport à la littérature classique ? A l'esthétique ?" / "Lisez-vous ce type d'ouvrages ?" [On lui en cite quelques-uns...]
-"Quelle est votre définition personnelle de l'esthétisme littéraire ? Qu'attendez-vous d'un écrivain ? Que recherchez-vous dans un texte ?..."
-"Que ressentez-vous quand vous lisez de la philosophie ?"

...Etc. Les questions sont infinies. Ça dépendra de votre choix, éditeurs. Il faut avoir à l'esprit plusieurs choses :
- Les personnes interrogées NE DOIVENT PAS SAVOIR exactement pourquoi on les interroge, car cela risque de les pousser à biaiser leurs réponses pour plaire au meneur de l'entretien, c'est un réflexe plus ou moins conscient et en tout cas prouvé. Donc il vaut mieux éviter de parler clairement du projet.
- Pour tout entretien, il faut se munir d'un "guide d'entretien" sur lequel seront rédigées cinq ou six questions au grand maximum. Bien sûr, elles doivent être cohérentes entre elles, pas passer du coq à l'âne.
- Le principe d'un entretien long, c'est qu'on doit laisser la personne parler sans l'interrompre, sans la juger (même si elle dit de grosses conneries et qu'on en a l'eau à la tempe, ne pas rétorquer "Mais c'est ridicule".) ; si elle s'éloigne du sujet, il faut l'y ramener doucement.
- Le guide d'entretien est là pour aider la personne à parler sur le sujet qui nous préoccupe. Au cas où elle aurait un blanc, on peut lui poser une nouvelle question... Mais ça n'est pas grave si on ne parvient pas à lui poser toutes les questions qu'on voulait. Chaque personne a son profil.
- Dans l'idéal, il serait judicieux d'interroger au moins cinq personnes, puis autant qu'il en faut pour que plus aucun "cobaye" n'ait de chose nouvelle à ajouter. Au bout d'un moment, tous les témoignages finissent par se ressembler curieusement : là, pas la peine de continuer...
- J'oubliais une chose très importante : il faut idéalement enregistrer l'entretien pour ne pas en perdre une miette.
- Une fois tous les entretiens terminés, on les scripte tous (si possible mot pour mot, même les "euh", les silences ou les imperfections linguistiques), on les décortique et on dresse un tableau dans lequel on classe les réponses similaires. Puis on analyse ce tableau.

Voilà pour la théorie. Je sais : c'est chiant, long, et ça a l'air scolaire comme ça, mais c'est ainsi que font toutes les entreprises ou institutions qui veulent connaitre leur public de manière approfondie^^, l'autre option étant un sondage fadasse dans lequel les gens ne répondent que par oui ou non (autrement dit, l'option connue sous le nom de Kineserrarien).
A retenir enfin : seule une personne qualifiée peut mener l'entretien : c'est un travail difficile, donc il serait judicieux d'engager un étudiant brillant en com' en lui promettant un buffet gratuit ou encore une substance plus ou moins difficile à trouver pour se défoncer la tronche. Au besoin, à la fin, vous ne lui donnerez rien.

Mais le public-cible ne se définit pas en fonction des réponses à ces questions, justement?

Oui et non. Les réponses à ces questions permettront d'affiner le profil du public-cible que l'on se représentait mentalement avant cela. Mais il y a quand même quelques critères, disons, "sociologiques" à respecter pour décider des individus à interroger : on sait que ce seront des personnes plutôt jeunes et attirées par la lecture. Ce tri est essentiel. Si tu devais interviewer des agrumes sur leurs propriétés nutritionnelles, tu demanderais au pain et au beurre de rester en retrait. C'est une métaphore bien naze, je sais.
Autrement dit : tu te fais sans doute dès à présent une image mentale de ton lecteur lambda : l'entretien aura pour but de mieux définir, non ce qu'il est, mais ce qu'il recherche, un public se définissant plus par ses "besoins" que par sa "nature". Est-ce que je m'exprime de façon claire ?^^"

Faut les cobayes. Mathieu? Alli? Des idées de gens dans votre entourage, pour commencer?

Je connais une personne jeune et passionnée de classique que je pense pouvoir interroger sans problème. Mais il faudrait qu'on définisse des objectifs clairs à un entretien : je peux donner de vagues idées, mais j'ai besoin de vous pour des détails précis. Voulez-vous qu'on s'intéresse à la réception de la charte graphique par le "cobaye" ? Aux titres ? Aux langues à traduire ?... Bref, il faut que vous, éditeurs, puissiez répondre à la question : que souhaitez-vous précisément savoir sur vos lecteurs potentiels ? Sinon, je ne pourrai pas dresser de guide d'entretien valable.

Charte graphique, yep, ça peut être intéressant d'avoir un retour dessus. Maintenant, elle est très originale, donc il faut savoir ce qu'il faut lui demander : je prends l'exemple des Zulma. Si je vois un Zulma, sans savoir que c'est un Zulma, je vais jamais me dire "woaaah c'est beaaau j'le veux" ; mais je vais être intrigué, intéressé : ceux qui ont fait ce choix de couverture méritent une certaine curiosité. Donc ils attirent les curieux ; et comme ils sont originaux & rigoureux, ils touchent le bon public.
Faut-il donc demander "que t'inspire un livre comme celui-ci"?

Titres : en fait, pas tant les titres que les collections. Le fait de publier (mettons une moyenne de) 2 ouvrages contemporains français, 2 traductions & 2 "classiques", ça ouvre un paysage tellement grand qu'on sait qu'on ne le "couvrira" pas. D'où le fait qu'on ne soit pas liés par une spécialisation "éditeur d'ouvrages contemporains", "classiques", "étrangers" mais par une ligne éditoriale esthétique : "faites-nous confiance, on ne publie que ce qu'on aime, et voilà pourquoi on aime ça : [...]". L'accueil de titres à la fois classiques & plus contemporains dans une même maison serait vécu comment? Le côté "préface" concernée?

Je sais pas vraiment ce que je veux savoir, je sais pas ce qu'il est important de connaître...

Je peux interroger du monde ; malheureusement, je vois très bien le profil type de notre lecteur moyen, et c'est quand même assez serré.

Merlin a écrit:Charte graphique, yep, ça peut être intéressant d'avoir un retour dessus. Maintenant, elle est très originale, donc il faut savoir ce qu'il faut lui demander : je prends l'exemple des Zulma. Si je vois un Zulma, sans savoir que c'est un Zulma, je vais jamais me dire "woaaah c'est beaaau j'le veux" ; mais je vais être intrigué, intéressé : ceux qui ont fait ce choix de couverture méritent une certaine curiosité. Donc ils attirent les curieux ; et comme ils sont originaux & rigoureux, ils touchent le bon public.
Faut-il donc demander "que t'inspire un livre comme celui-ci"?

Tiens, c'est marrant, quand j'ai regardé vos maquettes de premières de couv, tout de suite je me suis dit que ça avait un peu l'esprit de la collection "Paroles de sagesse" chez Albin Michel, en plus sobre et avec des motifs plus fins.

On pourrait leur montrer les motifs principaux de votre charte, une fois qu'ils seront clairement définis (logo MlS, etc.) et effectivement leur demander ce qu'ils en pensent.

Mais Mathieu le confirme, le public est assez restreint pour votre projet.

Je sais pas vraiment ce que je veux savoir, je sais pas ce qu'il est important de connaître...

...Je ne peux pas mieux le savoir que toi^^"... Réfléchis-y !

Il serait intéressant de savoir à quel tirage se vendent les Zulma.

Où en est-on? Que doit-on faire, par ici?